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Screen and Paper
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22 janvier 2015

interview - Maxime Giroux

Maxime Giroux

Mercredi après-midi, c'est jour d'interview avec Maxime Giroux, le réalisateur de Félix et Meira, lauréat (surprise) du prix du meilleur film canadien de 2014. Oui, devant le très attendu Mommy de Xavier Dolan. Dans le joli salon de l'hôtel Alba Opéra où je l'attends avec 3 confrères bloggeurs, il arrive décontracté et souriant, sweat-shirt noir et barbe de trois jours. Il nous serre la main, "ravi de vous rencontrer" et nous offre un café. On peut commencer !

Comment êtes vous venu au cinéma ?

J'étais pas très cinéphile en étant jeune mais j'étais intéressé par le métier de caméraman. J'ai fait beaucoup de clips, une centaine, je ne dirai pas pour qui ! J'ai gagné des NRJ Music Awards, mais j'étais pas heureux là dedans alors je suis passé au cinéma. Et c'est drôle parce qu'au début j'avais beaucoup d'influences, j'aimais beaucoup Wes Anderson, par exemple. Mais maintenant c'est dur à dire, le cinéma d'auteur disparaît, on perd beaucoup de bonnes choses. Cette année j'ai adoré "Force Majeure". C'est drôle d'ailleurs parce que partout on dit "Force Majeure", mais chez vous c'est "Snow Therapy".

Comment vous est venu l'idée du film Félix et Meira ? Pourquoi cet intérêt pour la communauté des Juifs hassidiques ?

En fait, nous dit-il, c'est très simple : j' habite Montréal, il y a 12 communautés hassidiques là-bas. Je vis près d'eux, ce sont mes voisins mais je ne les connais pas. J'avais du mal à comprendre pourquoi leur communauté est si fermée. Et un jour, on était au café avec mon co-scénariste et on regardait passer de jolies filles juives hassidiques. On se disait, on vit tout près les uns des autres mais il n'y a pas de lien entre nous. C'est une histoire de curiosité finalement. Je voulais les connaître. Et j'ai mis trois ans à le faire.

Vos acteurs sont-ils justement des membres de cette communauté ?

Certains, oui. Mais ils sont très difficiles à trouver. Car si la personne devient acteur ou actrice, c'est forcément qu'elle a quitté la communauté. Sinon, elle n'aurait pas le droit de faire ce métier. Luzer (son prénom amuse beaucoup les anglophones) qui joue le rôle de Shulem ,était hassidique et il a quitté les siens à 19 ans. Ça n'a pas été facile, il a été SDF et il a deux enfants qu'il ne verra plus jamais. Quand il a auditionné, il était très "Show Off" mais il était génial. Sans lui et sans les autres acteurs qui étaient hassidiques, j'aurais eu du mal à faire le film, ils ont apporté beaucoup de petits détails, il y avait tant de choses que je ne connaissais pas...

Pour le rôle de Meira, c'était compliqué. Les bonnes actrices que je rencontrais étaient très grandes, trop par rapport à Luzer et Martin (Félix dans le film). Et puis je ne voulais pas de Hadas Yaron. C'était non. Elle ne parlait pas Yiddish mais hébreux, et pas Français. Et elle avait déjà tourné dans un film sur le même sujet. Mais les producteurs lui ont fait passer une audition à mon insu. Et là, au bout de 15 secondes, c'était oui ! j'étais conquis. Elle a appris le Français et le Yiddish pour le film. D'ailleurs, en ce moment, elle apprend l'Italien pour son prochain rôle (yeux écarquillés d'admiration de nous quatre bloggeurs).

Pourquoi avoir choisi Meira comme personnage principal, et non Shulem ?

Parce que, je voulais parler des femmes. Elles sont beaucoup plus complexes que les hommes. Ils se posent en général moins de questions. Et les femmes ont plus de difficultés dans notre société, même maintenant. Dramatiquement, c'était plus intéressant. D'ailleurs, mon prochain film sera sans doute centré autour d'une femme.

C'était important de tourner à New York ?

Oui, car New York c'est immense, quand on arrive là-bas, je ne sais pas si vous y êtes déjà allé, mais on a l'impression que le monde est à nous, d'être au centre du monde. Que tout est possible. Pour Félix et Meira, c'est le lieu où ils peuvent être libres.

C'est le seuls moment où ils paraissent vraiment heureux d'ailleurs... (Je précise à Maxime Giroux que je me suis sentie très triste à la fin du film)

Vous étiez triste ? C'est tout à fait la réaction que j'attends ! Parce qu'en effet, ils ne sont jamais pleinement heureux. Quand ils sourient c'est rare. C'est un couple circonstanciel. Félix est égoïste, il aborde Meira parce qu'elle est jolie, il ne pense pas aux conséquences. Son approche est candide, naïve. C'est "Ah tu dessines, moi aussi, c'est super".  En vivant leur histoire, Félix et Meira sont confrontés à une brusque réalité. Lui, l'éternel ado, se retrouve avec une femme et un enfant et elle, qui est devenue femme très jeune -Les Juives hassidiques deviennent mères très tôt et ont parfois plus de dix enfants - va devoir vivre sans les siens. C'est très dur. Elle va vivre comme une émigrante, repartir de zéro, reconstruire sa vie. Elle fait ça pour sa fille et on peut imaginer que c'est sa fille qui sera heureuse du coup.

On est loin de la comédie romantique

Oui, c'est une histoire d'amour mais très compliquée. J'utilise les clichés comme Venise par exemple, pour les renverser. J'aime jouer avec les stéréotypes. Comme la scène ou Félix caresse les cheveux de Meira. C'est une scène de sexe mais complètement renverser. en fait lui toucher les cheveux, c'est comme lui faire l'amour. Son mari ne lui a sans doute jamais caresser les cheveux comme ça. Et pourtant il l'aime. Et c'est pour ça qu'il la laisse partir, il voit qu'elle n'est pas heureuse dans la communauté. La scène où il va voir Félix - qui avait d'abord été coupée au montage - signifie qu'il accepte la situation. Et finalement, la lettre qu'il lit pourrait s'appliquer à tout le monde.

 

Nous on serait volontiers restés à papoter, mais c'est l'heure de se dire "merci" et de prendre une petite photo. "Je ferme toujours les yeux sur les photos". Heureusement, j'ai eu droit à deux essais.

Félix et Meira est un superbe film qui sort le 4 février, je vous poste la critique bientôt !

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